Sans Roland Béguelin et Marcel Boillat, pas de Canton du Jura

Pierre-Alain Meier – Jura suisse

 

Grâce à Roland Béguelin, secrétaire général du Rassemblement Jurassien, et à Marcel Boillat, créateur du Front de Libération du Jura – deux solitaires dont l’intelligence et l’opinâtreté ont fait plier le canton de Berne et la Confédération qui ont longtemps vu d’un très mauvais œil le réveil séparatiste – le canton du Jura existe.

Roland Béguelin, secrétaire général du rassemblement jurassien (RJ), et de Marcel Boillat, créateur du Font de Libération du Jura (FLJ) ont été largement oubliés de l’histoire de la Question jurassienne. François Lachat, 1erprésident du gouvernement en 1979, n’avouait-il pas en 2018 sur RFJ, que 28 jeunes sur 30 n’avaient jamais entendu parler de Roland Béguelin, sans même parler de Marcel Boillat.

J’ai vécu dans mon village jurassien d’Undervelier les événements du 23 juin 1974 ainsi que les quelques années qui ont suivi, avant de partir pour Bruxelles apprendre le cinéma. Dans tous les endroits où j’ai vécu et travaillé, j’ai toujours retrouvé des signes forts de mon identité et appartenance jurassienne, je suis de ce pays, mais paradoxalement, le Jura fut plus aisé à aimer lorsque je vivais hors du Jura. J’ai pu m’en rendre compte très vite lorsqu’après 35 ans de pérégrinations à travers le monde, et autant de films produits ou réalisés, je suis revenu vivre dans ce même village d’Undervelier en 2008.

J’ai retrouvé un canton comme les autres, sans solution novatrice pour sortir du carcan helvétique, une région repliée sur elle-même et qui laisse filer le meilleur de son potentiel créatif, entend-on souvent, sans compter beaucoup de compromissions dans l’organisation de l’Etat, un Etat devenu souvent inquisiteur, moins bien organisé à de multiples égards que le canton de Berne à l’époque. Personnellement, je me suis battu entre autre activement contre la suppression de l’école d’Undervelier-Soulce, j’ai vécu la fusion de la Haute-Sorne, aujourd’hui la question de la Géothermie à Glovelier, où pour le moins l’Etat communique mal, le manque drastique de moyens pour la culture… Tout cela en comprenant jusqu’à un certain point les difficultés de notre (trop) petit canton.

Ce désir de film part aussi d’un sentiment d’injustice auquel j’ai été souvent confronté tout au long de ma vie : le manque de reconnaissance des vrais battants, ceux qui paient cher leur volonté de liberté, qui payent de leur vie parfois. A cet égard, pour moi, dans le Jura, à l’issue de ma demie-année de recherches, les 2 seuls vrais géants sont et restent Roland Béguelin et Marcel Boillat. Sans oublier Roger Schaffter, le compagnon de lutte de Roland Béguelin.Tous les deux ont porté ensemble le mouvement séparatiste, jusqu’à la victoire partielle de 1974, dans la complémentarité de leurs talents et grâce à une complicité longtemps inaltérable.

Last but not least, le Jura célébrera cette année pochaine les 50 ans du célèbre vote du 23 juin 1974. Toutes les Jurassiennes et tous les Jurassiens se rappellent les célèbres formules : « le Jura est libre » de Roland Béguelin, et « Il pleut la liberté » de Roger Schaffter.

J’espère rappeler avec ce film quelques beaux et difficiles moments d’une époque à vrai dire un peu bénie des dieux.

Pierre-Alain Meier, 22.4.24